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D'EDDY MITCHELL ACTEUR

LES PAROLES


 



Interview effectué par par Thierry Gandillot et Eric Libiot
paru le 08/05/2003.
Publié Avec l'aimable autorisation de l'Express. Merci à eux.
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Eddy Mitchell et Pierre Papadiamandis

Eddy et son Papa

Depuis quarante ans, Eddy Mitchell et Pierre Papadiamandis écrivent des tubes ensemble. Ils publient Frenchy, album le plus abouti du chanteur. Rencontre

L'un chante, l'autre pas

© T. Dudoit pour L'Express

L'un boit son whisky avec glace, l'autre sans. L'un chante, l'autre pas. Mais pour s'envoyer des vannes, ils sont sur la même longueur d'onde. Depuis quarante ans pile-poil, bon anniversaire, Eddy Mitchell et Pierre Papadiamandis travaillent ensemble, et toujours de la même manière: Papadiamandis livre les musiques; Eddy y colle ses paroles. Soit exactement l'inverse de ce qui se fait habituellement. La méthode fonctionne plutôt bien - depuis J'ai oublié de l'oublier, sur le 7e album solo de Mitchell, Seul - puisqu'elle a quand même donné La Dernière Séance, Couleur menthe à l'eau, La Fille du motel, Le Cimetière des éléphants, Nashville ou Belleville... Frenchy (Universal), leur dernier album (sortie le 14 mai), n'est pas loin d'être ce qu'ils ont produit de mieux. Réflexion faite, c'est ce qu'ils ont produit de mieux.


Avez-vous conscience d'avoir réalisé votre meilleur album?

Eddy Mitchell Non. Mais vous pouvez le redire, ça fait toujours du bien à entendre. Comme je me barre chaque fois dans tous les sens, les albums ressemblent - celui-ci surtout - à un patchwork. Et sur tous les plans: la musique, le son et le texte.

Est-ce une démarche volontaire de votre part?

E. M. Non, rien n'est prémédité. Pierre et moi, on aime plein de choses: country, rhythm and blues, ballades. On part dans tous les sens.
Pierre Papadiamandis Pour moi, cela se passe comme une espèce de thérapie: à un moment donné, j'ai envie de travailler. Parfois, deux années s'écoulent avant que l'album se fasse. Là, je n'arrivais à rien. On m'a alors proposé une chanson pour quelqu'un, et tout s'est déclenché. J'ai composé une musique assez country mais qui n'allait pas du tout au chanteur à qui elle était destinée. Eddy en a fait Sur la route 66. Après, tout a été assez facile.

Vous souvenez-vous de votre première rencontre?

E. M. Sur le plan sexuel, vous voulez dire? Il y a prescription.
P. P. Je m'en souviens comme si c'était hier. J'avais 25 ans. Eddy cherchait un pianiste pour son spectacle à Bobino. Il venait d'enregistrer Toujours un coin qui me rappelle, morceau sur lequel il y avait un piano. Et voilà...

Qui composait vos musiques avant Pierre?

E. M. Guy Magenta, notamment, qui avait écrit des trucs qui marchaient bien (Si tu n'étais pas mon frère). Il y avait aussi beaucoup d'adaptations de chansons américaines. Toujours un coin qui me rappelle, par exemple.

Vous cherchiez donc des musiques originales?

E. M. Oui, mais ce n'était pas évident. Les gens ont oublié qu'il y avait des grands succès, dits français, qui étaient des adaptations. Prenez tout le catalogue de Gloria Lasso et trouvez-moi une chanson française... Vous aurez du mal. Et pourtant on l'aimait bien, Gloria.

Comment avez-vous commencé à écrire les textes?

E. M. Je n'avais aucune envie d'écrire, mais comme je recevais des trucs vraiment débiles, je me suis dit: ça je peux faire, sans problème. Donc, je suis devenu auteur.

Qui a eu l'idée de J'ai oublié de l'oublier?

P. P. Moi. En tournée, avec Eddy, on arrivait souvent des heures avant le concert. Je me mettais au piano, la musique m'est venue comme ça, sous les doigts. Après, j'ai pensé que je pouvais devenir compositeur.

E. M.

On ne l'arrêtait plus...

Avez-vous toujours fonctionné de la même façon: la musique d'abord, le texte ensuite?

E. M. Je ne sais pas faire autrement. Je n'aime pas écrire. S'il n'y a pas une musique, je ne peux pas partir. Sans la musique, on est obligé d'écrire en rimes, mais dans ce cas-là, il faut avoir les cheveux longs et être boutonneux...

«Vous savez, moi, je suis un petit artisan»
Pratiquement, comment cela se passe-t-il?

P. P. Je livre deux ou trois musiques sous forme de maquette.
E. M. Et puis, après, je lui demande de les refaire au piano. La maquette fausse beaucoup de choses, car elle donne un aperçu trop précis de ce que la chanson pourrait devenir. Ce qui enlève la part du rêve.
P. P. Objection! Il était très difficile de te jouer au piano C'est pas ta journée, vu que ce n'est pas un truc de piano.
E. M. Mais j'ai tout transformé. Je t'ai dit: «On va en faire du rockabilly.» T'étais même pas au courant!
P. P. Tu rigoles, elle était rockabilly!
E. M. Il sait pas ce que c'est, le rockabilly! C'est pas son truc.
P. P. Mais si je sais ce que c'est, le rockabilly!

Qui crée le plus rapidement de vous deux?

P. P. Eddy.
E. M. Oui, mais j'ai tout de même des poubelles pleines. Vous savez, moi, je suis un petit artisan. Et j'écoute ce que Pierre me dit, sans qu'on s'engueule. Par exemple, sur Y a danger, j'étais parti sur une histoire horrible qui me plaisait bien. Un fait divers sordide auquel j'avais assisté. L'été dernier, j'étais en tournage à La Rochelle. A la fin de la journée, un couple très jeune, bizarre, cheveux punk, boucles d'oreilles, avec des cicatrices, comme on n'en fait plus, m'accoste près d'un bistrot. Ils avaient un petit chiot dans les bras, blessé. Un mec sort et les vire. Je l'engueule. Il me dit: «Vous n'êtes pas au courant? Ils organisent des combats de pit-bulls et les chiots servent d'appâts pour les exciter. Ils se servent ensuite du petit chien blessé pour faire la manche.» Pierre a été horrifié par cette histoire. Après réflexion, je me suis dit qu'il avait peut-être raison.
P. P. C'était atroce. Et puis, ça n'allait pas du tout avec la musique.
E. M. La musique, si, tu peux l'arranger...
P. P. Ah non!
E. M. Tu vois, on est passé à côté d'un tube!

Comment avez-vous écrit J'aime les interdits?

E. M. En studio, à Los Angeles. C'est rare. Pierre avait composé la musique trois jours plus tôt. On avait terminé l'enregistrement en avance, on avait donc le studio sur les bras avec des supermusiciens. Pendant que Pierre répétait le morceau, je suis sorti un moment. Dans la rue, on commence à me dire: «Vous mettez pas là, ne fumez pas». Je me suis dit: «La voilà, la chanson!»


Pourquoi enregistrez-vous à Los Angeles?
E. M. Parce que je m'y emmerde tellement que je suis sûr de travailler et d'aller au studio. Une fois que j'ai fait les trois magasins de DVD, c'est fini. Cette année, j'ai acheté Le Retour du vampire [avec Bela Lugosi] en VO sous-titrée, ce qui est très rare; Mania, un film mythique de John Gilling avec Peter Cushing, qu'on ne trouve nulle part parce qu'il est pressé en Australie. J'ai également acheté deux 78-tours de Presley, introuvables. Je les ai payés 150 dollars, ce qui est que dalle. Le lendemain, ils étaient tous à 300. Je me suis dit: «Tiens, les prix ont changé.»

Eddy, la chanson Je chante pour ceux qui ont le blues est votre marque de fabrique.

E. M. Pas plus que ça... D'ailleurs, Pierre, en écrivant cette chanson, ne pensait pas à moi.
P. P. Je pensais à Raymond...

Raymond?

P. P.Oui, Ray Charles.
E. M. Vous savez, celui qui a chanté Georgette de mon esprit... Le truc qui m'a intéressé, c'est d'écrire un texte très simple. La musique elle-même est simple. Pourquoi faire compliqué?

En fait, Pierre, vous lui faites un don: «Voilà la musique. Maintenant, fais-en ce que tu veux, sauf si je ne suis pas d'accord.»

P. P. Donc, il n'en fait pas ce qu'il veut.
E. M. Je ne suis pas là pour dézinguer une musique. Il est arrivé qu'il m'en apporte une et que je ne trouve rien à raconter dessus.
P. P. Cela fait assez longtemps qu'on travaille ensemble pour savoir que s'il n'y arrive pas, c'est qu'il y a un problème venant de la musique.

Que faites-vous des musiques qui n'ont pas inspiré Eddy?

P. P. Soit je les jette, soit je les retravaille.


Vous vous dites: «J'écris une chanson» ou bien: «J'écris une chanson pour Eddy»?
P. P. J'écris beaucoup en pensant à Eddy, quand même...

 


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